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#CJUE #FIFA

Dernière mise à jour : 16 janv.


Affaire Diarra : Vers un bouleversement des règles du mercato ?



Le 4 octobre 2024, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt majeur remettant en question de nombreuses règles de la FIFA, jugées incompatibles avec le droit de l’Union européenne.

 

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Cette décision résultait d’un différend contractuel, opposant le célèbre international français, Lassana Diarra et le club russe, le Lokomotiv Moscou.

 

Après avoir signé un contrat avec le club, le 20 août 2013, celui-ci était résilié unilatéralement un an plus tard par le Lokomotiv Moscou au motif que Lassana Diarra aurait manqué à ses obligations contractuelles. Cela conduisait à une lourde sanction financière pour le joueur, d’un montant de 10,5 millions d’euros à verser au Lokomotiv Moscou, au titre d’une rupture de contrat pour « juste cause ».

 

Cette sanction économique, pesant sur le joueur, a constitué un véritable frein pour sa signature au sein d’autres clubs et a entrainé Lassana Diarra dans un long périple judiciaire.

 

En effet, le Lokomotiv Moscou initiait d’abord une procédure devant la Chambre de résolution des litiges de la Fifa afin d’obtenir le paiement de l’indemnité due. L’ancien international français saisissait par la suite le Tribunal Arbitral du Sport (TAS), au cours de l’année 2015, contestant la décision rendue par la Chambre de résolution des litiges.

 

Insatisfait de la décision du TAS, le joueur portait ce litige en 2017 devant le Tribunal de commerce du Hainaut en Belgique, sollicitant le versement de 6 millions d’euros pour entrave à l’exercice de sa profession contre la FIFA, ainsi qu’à l’Union royale belge des sociétés de football (URBFSA).

 

Le dossier prenait alors une nouvelle dimension lorsque la FIFA interjetait appel de ce jugement devant la Cour d’appel de Mons le 19 novembre 2022. Au regard de la complexité des enjeux juridiques soulevés, la Cour décidait à cette occasion de saisir la CJUE d’une question préjudicielle dans les termes suivants : Les règles litigieuses du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) de la FIFA sont-elles contraires aux articles 45 et 101 du TFUE, relatifs à la libre circulation des travailleurs et à la concurrence ?

 

Cette bataille juridique conduisait à cet arrêt en date du 4 octobre 2024 de la CJUE, une décision importante menant à redéfinir les contours juridiques des transferts dans le cadre du football européen.

A travers cet arrêt inédit, la CJUE a considéré que les dispositions du RSTJ, bien qu'elles poursuivent des objectifs comme la régularité des compétitions ou la stabilité des effectifs, vont bien au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre. En conséquence, ces règles limitent la libre circulation des joueurs professionnels et sont contraires à l’article 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

 

Cet article énonce en ses deux premiers alinéas que :

 


« La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de l’Union. […] Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.»

 


Par ailleurs, dans cet arrêt la Cour jugeait que les articles 9 et 17 du RSTJ étaient contraires à l’article 101 du TFUE[PL1]  qui prévoit l’interdiction d’accords anticoncurrentiels « qui ont pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur » .

 

Par cet arrêt, la CJUE alertait sur les critères de calcul des indemnités en cas de rupture "sans juste cause", jugés excessifs et dissuasifs. Cependant, la notion de « juste cause », qui désigne une raison légitime permettant à un joueur ou à un club de rompre un contrat sans encourir des sanctions disciplinaires ou financières, reste imprécise. Cette ambiguïté appelait donc la FIFA à clarifier et encadrer sa position à ce propos.

 

Aussi, la question de la délivrance du certificat international de transferts (CIT) se pose. En effet, ce document est primordial pour l’enregistrement du joueur auprès d’un nouveau club dans un autre pays afin qu’il puisse participer aux compétitions officielles. Ainsi, tout recrutement devient inutile si un joueur ayant rompu son contrat ne peut être enregistré où participer aux compétitions de la FIFA.

 

Ces dispositions constituent ainsi une « limitation étendue et significative » à la concurrence transfrontalière entre clubs.



Transparence, objectivité, proportionnalité ?

 

L’heure est au changement et au renouveau, au sein de la FIFA.  

 

En effet, Emilio Garcia Silvero, le directeur de la division Juridique et Conformité de la FIFA a précisé lors d’un entretien en date du 14 octobre 2024, qu’il est fondamental d’établir un dialogue entre les différents acteurs afin d’aboutir à une refonte des règles du RSTJ devenues obsolètes au regard du droit européen.

 

Une telle évolution implique des défis majeurs, notamment la menace sur la stabilité contractuelle et l'équilibre compétitif entre équipes. Pour répondre à ces enjeux, la FIFA doit garantir la transparence, l’objectivité et la proportionnalité des sanctions, clarifier les critères de "juste cause" critiqués par la CJUE, et comme le rappelle Emilio Garcia Silvero, discuter sur les « paramètres de calcul des indemnités et des sanctions en cas de rupture contractuelle, et sur un mécanisme de délivrance du Certificat International de Transfert. »

 

Ces réformes nécessiteront un dialogue constructif entre les acteurs principaux du football (club, association, FIFA, représentants de joueurs).

 

Des discussions ont déjà eu lieu et ont conduit à un communiqué de presse, en date du 23 décembre 2024 à l’occasion duquel la FIFA annonçait l’instauration d’un cadre réglementaire exceptionnelle en vue du prochain mercato qui se décline en plusieurs points essentiels.

 


La règlementation temporaire en vue du mercato hivernal

 

Tout d’abord, la FIFA apporte des éclaircissements quant à la notion de « juste cause » afin de diminuer l’incertitude juridique qu’elle représentait jusqu’à aujourd’hui.

 

A titre d’exemple, elle a précisé que le joueur est en mesure de rompre son contrat s'il joue moins de 10 % des matchs officiels en une saison (juste cause sportive) ou si son club ne lui verse pas son salaire. Malgré le fait que ces dispositions renforcent les droits des joueurs, elles n'entraînent pas une liberté totale de départ, car le club a toujours la possibilité de réclamer une indemnisation.

 

Par ailleurs, en ce qui concerne les modalités de calcul de l’indemnisation due en cas de rupture de contrat, la version modifiée de l’article 17 du RSTJ permet d’écarter les critères de calcul pointés du doigt par la CJUE.

 

L’article 17 du RSTJ précise désormais que toute partie lésée consécutivement à une rupture de contrat a droit à une compensation, fondée sur le préjudice subi, les faits et les circonstances spécifiques à chaque cas et en respectant la législation du pays concerné.

 

Par ailleurs, l’article 17 du RSTJ prévoit que les nouveaux clubs ne sont plus automatiquement considérés comme coresponsables en cas de rupture sans juste cause. Dorénavant, leur responsabilité doit être prouvée, conduisant à un inversement de la charge de la preuve et à une réduction des risques pour les clubs recruteurs.

 

Dans ce contexte, il doit être notamment recherché si ces derniers ont incité le joueur à rompre son contrat.

 

Enfin, l’article 11 de l’annexe 3 du RSTJ, introduit un mécanisme modifié concernant la délivrance du CIT.

 

En effet, la FIFA garantit désormais l’émission du CIT dans un délai de 72 heures, y compris en cas de litige pendant.

 

Par exemple, si une Fédération introduit une demande de délivrance de CIT, l’ancienne Fédération est tenue, dans les 72 heures, de délivrer celui-ci. En cas d’absence de réponse de la part de la Fédération, la nouvelle pourra procéder à l’enregistrement du joueur auprès du nouveau club.

 

Ce changement élimine un obstacle important pour les joueurs, qui risquaient auparavant de ne pas pouvoir jouer si l’émission de ce certificat était bloquée.

 

Désormais, les conflits seront traités séparément des demandes de délivrance des dits certificats, afin de ne plus entraver l’enregistrement ni la participation du joueur dans son nouveau club.

 

Cette mesure est une avancée considérable pour la liberté des joueurs, garantissant à ces derniers une plus grande sécurité lors de leurs transferts internationaux.

 

En définitive, en dépit du fait que ces nouvelles règles instaurées par la FIFA soient temporaires, voire expérimentales, elles constituent une véritable opportunité pour réformer le cadre réglementaire du football mondial.

 

D’ailleurs, à l’avenir, elles pourraient être pérennisées et appliquées de manière définitive, garantissant ainsi la conformité aux exigences légales.  

 

L’arrêt rendu par la CJUE le 4 octobre 2024 permet donc l’annonce d’un tournant potentiel dans l'évolution des règles du football à l'échelle mondiale.

 

Le Cabinet de Maitre LATOUCHE, riche de son expérience en sa qualité d’avocat mandataire sportif, accompagne et représente avec détermination et professionnalisme des joueurs professionnels évoluant dans le milieu du football.




Sources

 

- [Mons, 19 sept. 2022, n° 2017/RG/167]


- Affaire FIFA/BZ : chronique d'une mort annoncée mais évitée pour le marché des transferts du football professionnel ? – Vincent Giovannini, Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, Université Jean Monnet Saint-Étienne, CERCRID (UMR 5137) – 16 octobre 2024


- CJUE 4 oct. 2024, aff. C-650/22


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